Le choix d’Achille

Quelques repères grâce aux Chemins de la philosophie, à Adèle Van Reth et Pierre Judet de Lacombe.

Pour rigoler…

L’article, aux comparaisons étonnantes, souligne une réalité troublante : il est très difficile de retrouver la trace dans l’Iliade de cette histoire de choix d’Achille. Voici donc l’unique texte qui fait état de cette alternative :

Iliade, Homère Chant IX, 410 sq.

οὐ γὰρ ἐμοὶ ψυχῆς ἀντάξιον οὐδ᾽ ὅσα φασὶν

Ἴλιον ἐκτῆσθαι εὖ ναιόμενον πτολίεθρον

τὸ πρὶν ἐπ᾽ εἰρήνης, πρὶν ἐλθεῖν υἷας Ἀχαιῶν,

οὐδ᾽ ὅσα λάϊνος οὐδὸς ἀφήτορος ἐντὸς ἐέργει

405 Φοίβου Ἀπόλλωνος Πυθοῖ ἔνι πετρηέσσῃ.

ληϊστοὶ μὲν γάρ τε βόες καὶ ἴφια μῆλα,

κτητοὶ δὲ τρίποδές τε καὶ ἵππων ξανθὰ κάρηνα,

ἀνδρὸς δὲ ψυχὴ πάλιν ἐλθεῖν οὔτε λεϊστὴ

οὔθ᾽ ἑλετή, ἐπεὶ ἄρ κεν ἀμείψεται ἕρκος ὀδόντων.

410 μήτηρ γάρ τέ μέ φησι θεὰ Θέτις ἀργυρόπεζα

διχθαδίας κῆρας φερέμεν θανάτοιο τέλος δέ.

εἰ μέν κ᾽ αὖθι μένων Τρώων πόλιν ἀμφιμάχωμαι,

ὤλετο μέν μοι νόστος, ἀτὰρ κλέος ἄφθιτον ἔσται·

εἰ δέ κεν οἴκαδ᾽ ἵκωμι φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν,

415 ὤλετό μοι κλέος ἐσθλόν, ἐπὶ δηρὸν δέ μοι αἰὼν

ἔσσεται, οὐδέ κέ μ᾽ ὦκα τέλος θανάτοιο κιχείη.

καὶ δ᾽ ἂν τοῖς ἄλλοισιν ἐγὼ παραμυθησαίμην

οἴκαδ᾽ ἀποπλείειν, ἐπεὶ οὐκέτι δήετε τέκμωρ

Ἰλίου αἰπεινῆς· μάλα γάρ ἑθεν εὐρύοπα Ζεὺς

420 χεῖρα ἑὴν ὑπερέσχε, τεθαρσήκασι δὲ λαοί.

ἀλλ᾽ ὑμεῖς μὲν ἰόντες ἀριστήεσσιν Ἀχαιῶν

ἀγγελίην ἀπόφασθε· τὸ γὰρ γέρας ἐστὶ γερόντων·

ὄφρ᾽ ἄλλην φράζωνται ἐνὶ φρεσὶ μῆτιν ἀμείνω,

ἥ κέ σφιν νῆάς τε σαῷ καὶ λαὸν Ἀχαιῶν

425 νηυσὶν ἔπι γλαφυρῇς, ἐπεὶ οὔ σφισιν ἥδέ γ᾽ ἑτοίμη

ἣν νῦν ἐφράσσαντο ἐμεῦ ἀπομηνίσαντος·

Traduction de ce passage sur Hodoï electronikaï :

Car rien, pour moi, ne vaut la vie, ni toutes les richesses que possédait, dit-on, Ilion, ville bien située, en temps de paix, avant l’arrivée des fils d’Achéens, ni celles que renferme le seuil de pierre du Diseur d’oracles, de Phébus Apollon, dans la rocheuse Pytho. On ravit des boeufs et des moutons robustes, on achète des trépieds, des chevaux à la tête fauve ; mais la vie de l’homme, pour la ramener, on ne la ravit ni ne la saisit, une fois qu’elle a franchi la barrière des dents. Ma mère me dit en effet, la déesse Thétis aux pieds d’argent, que des génies funestes de deux sortes m’emportent vers la mort, vers ma fin : si je reste ici, à combattre, autour de la ville des Troyens, c’en est fait pour moi du retour, mais ma gloire sera immortelle; si je retourne en ma maison, sur la terre de ma patrie, c’en est fait pour moi de la noble gloire, mais ma vie sera longue, et ce n’est pas de sitôt que la fin, la mort m’atteindra. D’ailleurs, même aux autres Achéens, je conseillerais, moi, de faire voile vers leurs maisons : car vous ne rencontrerez plus le jour fatal pour Ilion l’escarpée. Sur elle Zeus qui voit au loin a étendu sa main, et ses troupes ont confiance. « Allez donc, vous, vers les plus nobles des Achéens, porter mon message (c’est le privilège des anciens), afin qu’ils pensent à un moyen meilleur de sauver et les vaisseaux, et les troupes achéennes près des vaisseaux creux. Car il n’est pas au point, le moyen auquel ils avaient pensé, puisque je garde ma rancune.

Ailleurs on trouve ce passage que cite Vernant dans le passage de la conférence diffusé dans l’émission citée supra, mais c’est très une référence très indirecte.

La métaphore des feuilles de l’arbre (dialogue avant la bataille entre Glaucos, fils d’Hippolochos et Diomède, fils de Tydée, Chant VI, 145 sq.)

145 Τυδεΐδη μεγάθυμε τί ἢ γενεὴν ἐρεείνεις;

οἵη περ φύλλων γενεὴ τοίη δὲ καὶ ἀνδρῶν.

Φύλλα τὰ μέν τ᾽ ἄνεμος χαμάδις χέει, ἄλλα δέ θ᾽ ὕλη

τηλεθόωσα φύει, ἔαρος δ᾽ ἐπιγίγνεται ὥρη·

ὣς ἀνδρῶν γενεὴ ἣ μὲν φύει ἣ δ᾽ ἀπολήγει.

« Fils magnanime de Tydée, pourquoi me demandes-tu

ma naissance? Telle la naissance des feuilles, telle celle

des hommes. Il y `a des feuilles que le vent répand à

terre, mais la forêt puissante en produit d’autres, le printemps revient.

Ainsi pour les hommes : une génération naît, l’autre finit.

Pour en savoir plus, L’individu, l’amour, la mort de J.-P. Vernant, chapitre consacré à la mort des héros.

2 réflexions sur « Le choix d’Achille »

  1. Bonjour,

    Merci d’avoir pingé (même pour se moquer 😉 ) l’article, car ça m’a permis de tomber sur cet épisode des Chemins de la philosophie que j’ai manqué !

    Cela dit, ça me surprend quand même qu’au final, il n’y ait rien de plus dans votre article, on n’a, effectivement, pas beaucoup d’informations précises trouvables sur le Net à ce sujet. C’est étrange, parce que c’est quand même un passage très emblématique de tous les récits, et constructions de récit finalement.

    Les contes aiment bien reprendre ça, les histoires pour les enfants et les ados aussi (on voit souvent cette thématique du choix entre le bonheur et la gloire dans la fantaisie…), du coup je m’étonne pas mal qu’on n’ait pas davantage de textes ou d’essais.

    Quoi qu’il en soit, bonne journée, et merci encore 😀

    1. Votre article m’a effectivement troublée parce que son propos me paraissait ambigu. Votre comparaison du choix d’Achille avec l’entreprenariat m’a d’abord paru audacieuse, voire inopportune parce qu’elle fait écho à de nombreux discours présentant le chef d’entreprise comme le nouveau héros moderne, alors même que, dans la réalité, il n’est trop souvent qu’un être bien ordinaire, pétri d’égoïsme et de petites lâchetés mais plein d’une haute conscience de lui-même et de sa mission supérieure : faire de l’argent. Cependant dans le cœur de votre article, vous présentez effectivement le choix existentiel qui a fait le succès de ce passage : gloire éternelle mais vie courte et dans l’action extrême ou longue vie calme et sans gloire, dans le calme de la vie familiale. Vous choisissez le bonheur et je suis assez d’accord. Dans votre commentaire à mon article, vous dites que vous êtes déçue parce que mon article ne vous disait toujours pas où se trouve le fameux passage. Effectivement, je l’avais donné à mes élèves (c’est un site scolaire ouvert au public) mais je ne l’avais pas mis sur le site. Je viens donc de modifier l’article pour répondre à vos interrogations. C’est vrai qu’il n’est pas facile de le trouver. J’ai cité également ma source principale sur ces questions, L’individu, l’amour, la mort, de J.-P. Vernant, je pense que cet ouvrage passionnant pourrait vraiment vous intéresser.

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